13.2.04
on Giorgio Agamben's protest (francais)...somewhat old, but still relevant.
23:30 | Posted by
liminal |
Edit Post
Giorgio Agamben was supposed to be a "global visiting professor" at NYU during this academic year. And he had tentatively agreed to come to Duke to give a lecture. However, he has decided not to come to the US this year as a protest against the new immigration policies, that is, taking fingerprints and photographs of visitors to the US. Michael Hardt has distributed the article he published in Le Monde on the topic. I thought some of you might be interested in it.
Non au tatouage biopolitique, par Giorgio Agamben
LE MONDE | 10.01.04 | 15h26
Les journaux ne laissent aucun doute : qui voudra désormais se rendre aux Etats-Unis avec un visa sera fiché et devra laisser ses empreintes digitales en entrant dans le pays. Personnellement, je n'ai aucune intention de me soumettre à de telles procédures, et c'est pourquoi j'ai annulé sans attendre le cours que je devais faire en mars à l'université de New York.
Je voudrais expliquer ici la raison de ce refus, c'est-à-dire pourquoi, malgré la sympathie qui me lie depuis de nombreuses années à mes collègues américains ainsi qu'à leurs étudiants, je considère que cette décision est à la fois nécessaire et sans appel et combien je tiendrais à ce qu'elle soit partagée par d'autres intellectuels et d'autres enseignants européens.
Il ne s'agit pas seulement d'une réaction épidermique face à une procédure qui a longtemps été imposée à des criminels et à des accusés politiques. S'il ne s'agissait que de cela, nous pourrions bien sûr accepter moralement de partager, par solidarité, les conditions humiliantes auxquelles sont soumis aujourd'hui tant d'êtres humains.
L'essentiel n'est pas là. Le problème excède les limites de la sensibilité personnelle et concerne tout simplement le statut juridico-politique (il serait peut-être plus simple de dire
biopolitique) des citoyens dans les Etats prétendus démocratiques où nous vivons.
On essaie, depuis quelques années, de nous convaincre d'accepter comme les dimensions humaines et normales de notre existence des pratiques de contrôle qui avaient toujours été considérées comme exceptionnelles et proprement inhumaines. Nul n'ignore ainsi que le contrôle exercé par l'Etat sur les individus à travers l'usage de dispositifs électroniques, comme les cartes de crédit ou les téléphones portables, a atteint des limites naguère insoupçonnables.
On ne saurait pourtant dépasser certains seuils dans le contrôle et dans la manipulation des corps sans pénétrer dans une nouvelle ère biopolitique, sans franchir un pas de plus dans ce que Michel Foucault appelait une animalisation progressive de l'homme mise en oeuvre à travers les techniques les plus sophistiquées.
Le fichage électronique des empreintes digitales et de la rétine, le tatouage sous-cutané ainsi que d'autres pratiques du même genre sont des éléments qui contribuent à définir ce seuil. Les raisons de sécurité qui sont invoquées pour les justifier ne doivent pas nous impressionner : elles ne font rien à l'affaire. L'histoire nous apprend combien les pratiques qui ont d'abord été réservées aux étrangers se trouvent ensuite appliquées à l'ensemble des citoyens. Ce qui est en jeu ici n'est rien de moins que la nouvelle relation biopolitique "normale" entre les citoyens et l'Etat. Cette relation n'a plus rien à voir avec la participation libre et active à la sphère publique, mais concerne l'inscription et le fichage de l'élément le plus privé et le plus incommunicable de la subjectivité: je veux parler de la vie biologique des corps.
Aux dispositifs médiatiques qui contrôlent et manipulent la parole publique correspondent donc les dispositifs technologiques qui inscrivent et identifient la vie nue : entre ces deux extrêmes d'une parole sans corps et d'un corps sans parole, l'espace de ce que nous appelions autrefois la politique est toujours plus réduit et plus exigu.
Ainsi, en appliquant au citoyen, ou plutôt à l'être humain comme tel, les techniques et les dispositifs qu'ils avaient inventés pour les classes dangereuses, les Etats, qui devraient constituer le lieu même de la vie politique, ont fait de lui le suspect par excellence, au point que c'est l'humanité elle-même qui est devenue la classe dangereuse.
Il y a quelques années, j'avais écrit que le paradigme politique de l'Occident n'était plus la cité, mais le camp de concentration, et que nous étions passés d'Athènes à Auschwitz. Il s'agissait évidemment d'une thèse philosophique, et non pas d'un récit historique, car on ne saurait confondre des phénomènes qu'il convient au contraire de distinguer.
Je voudrais suggérer que le tatouage était sans doute apparu à Auschwitz comme la manière la plus normale et la plus économique de régler l'inscription et l'enregistrement des déportés dans les camps de concentration. Le tatouage biopolitique que nous imposent maintenant les Etats-Unis pour pénétrer sur leur territoire pourrait bien être le signe avant-coureur de ce que l'on nous demandera plus tard d'accepter comme l'inscription normale de l'identité du bon citoyen dans les mécanismes et les engrenages de l'Etat. C'est pourquoi il faut s'y opposer.
Traduit de l'italien par Martin Rueff
Giorgio Agamben est philosophe, professeur à l'université de Venise et à l'université de New York. ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 11.01.04
Non au tatouage biopolitique, par Giorgio Agamben
LE MONDE | 10.01.04 | 15h26
Les journaux ne laissent aucun doute : qui voudra désormais se rendre aux Etats-Unis avec un visa sera fiché et devra laisser ses empreintes digitales en entrant dans le pays. Personnellement, je n'ai aucune intention de me soumettre à de telles procédures, et c'est pourquoi j'ai annulé sans attendre le cours que je devais faire en mars à l'université de New York.
Je voudrais expliquer ici la raison de ce refus, c'est-à-dire pourquoi, malgré la sympathie qui me lie depuis de nombreuses années à mes collègues américains ainsi qu'à leurs étudiants, je considère que cette décision est à la fois nécessaire et sans appel et combien je tiendrais à ce qu'elle soit partagée par d'autres intellectuels et d'autres enseignants européens.
Il ne s'agit pas seulement d'une réaction épidermique face à une procédure qui a longtemps été imposée à des criminels et à des accusés politiques. S'il ne s'agissait que de cela, nous pourrions bien sûr accepter moralement de partager, par solidarité, les conditions humiliantes auxquelles sont soumis aujourd'hui tant d'êtres humains.
L'essentiel n'est pas là. Le problème excède les limites de la sensibilité personnelle et concerne tout simplement le statut juridico-politique (il serait peut-être plus simple de dire
biopolitique) des citoyens dans les Etats prétendus démocratiques où nous vivons.
On essaie, depuis quelques années, de nous convaincre d'accepter comme les dimensions humaines et normales de notre existence des pratiques de contrôle qui avaient toujours été considérées comme exceptionnelles et proprement inhumaines. Nul n'ignore ainsi que le contrôle exercé par l'Etat sur les individus à travers l'usage de dispositifs électroniques, comme les cartes de crédit ou les téléphones portables, a atteint des limites naguère insoupçonnables.
On ne saurait pourtant dépasser certains seuils dans le contrôle et dans la manipulation des corps sans pénétrer dans une nouvelle ère biopolitique, sans franchir un pas de plus dans ce que Michel Foucault appelait une animalisation progressive de l'homme mise en oeuvre à travers les techniques les plus sophistiquées.
Le fichage électronique des empreintes digitales et de la rétine, le tatouage sous-cutané ainsi que d'autres pratiques du même genre sont des éléments qui contribuent à définir ce seuil. Les raisons de sécurité qui sont invoquées pour les justifier ne doivent pas nous impressionner : elles ne font rien à l'affaire. L'histoire nous apprend combien les pratiques qui ont d'abord été réservées aux étrangers se trouvent ensuite appliquées à l'ensemble des citoyens. Ce qui est en jeu ici n'est rien de moins que la nouvelle relation biopolitique "normale" entre les citoyens et l'Etat. Cette relation n'a plus rien à voir avec la participation libre et active à la sphère publique, mais concerne l'inscription et le fichage de l'élément le plus privé et le plus incommunicable de la subjectivité: je veux parler de la vie biologique des corps.
Aux dispositifs médiatiques qui contrôlent et manipulent la parole publique correspondent donc les dispositifs technologiques qui inscrivent et identifient la vie nue : entre ces deux extrêmes d'une parole sans corps et d'un corps sans parole, l'espace de ce que nous appelions autrefois la politique est toujours plus réduit et plus exigu.
Ainsi, en appliquant au citoyen, ou plutôt à l'être humain comme tel, les techniques et les dispositifs qu'ils avaient inventés pour les classes dangereuses, les Etats, qui devraient constituer le lieu même de la vie politique, ont fait de lui le suspect par excellence, au point que c'est l'humanité elle-même qui est devenue la classe dangereuse.
Il y a quelques années, j'avais écrit que le paradigme politique de l'Occident n'était plus la cité, mais le camp de concentration, et que nous étions passés d'Athènes à Auschwitz. Il s'agissait évidemment d'une thèse philosophique, et non pas d'un récit historique, car on ne saurait confondre des phénomènes qu'il convient au contraire de distinguer.
Je voudrais suggérer que le tatouage était sans doute apparu à Auschwitz comme la manière la plus normale et la plus économique de régler l'inscription et l'enregistrement des déportés dans les camps de concentration. Le tatouage biopolitique que nous imposent maintenant les Etats-Unis pour pénétrer sur leur territoire pourrait bien être le signe avant-coureur de ce que l'on nous demandera plus tard d'accepter comme l'inscription normale de l'identité du bon citoyen dans les mécanismes et les engrenages de l'Etat. C'est pourquoi il faut s'y opposer.
Traduit de l'italien par Martin Rueff
Giorgio Agamben est philosophe, professeur à l'université de Venise et à l'université de New York. ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 11.01.04
Blog Archive
-
▼
2004
(398)
-
▼
February
(36)
- Something for your earhole
- Sums it up. 2-3 month reprieve? Or just another ...
- LOVE PEOPLE NOT PLACES!!! ...
- Role-playing
- ART/MUSIC LINK O' DAH DAY!!!
- IRAQIS WILL DECIDE WHO IS ELECTED PRESIDENT IN THE...
- So that's why they want to have a "lunar space sta...
- Gonna pull a Donnie Darko on what people call "the...
- Between Iraq and a Hard Place - Channel 4 News Co...
- If there's one thing to over react to, it's the la...
- ALERT: A Television COUP D'ETAT...THIS IS A PUBLIC...
- What might be obvious to some Iraqis especially...
- I lost it when I saw these videos. Another great ...
- on Giorgio Agamben's protest (francais)...somewhat...
- Thank you for support to those of you who emailed ...
- la musica
- honestly...
- welcome to my personal life
- Learn link of the day!
- UPDATED: America sets its sights on a new Public E...
- The Observer observed much this past Sunday...
- our desires must build and create, instead of dest...
- Author of the day: Guy Debord
- "I don't remember the statement being made, to be ...
- Civil War
- In the cockpit of the B1 that bombed Al Mansur...
- Why Lacan is important...
- Author of the day: St. Augustine
- Art Links of the day: A dedication to the moving i...
- Hold Bush to His Lie - Naomi Klein
- It is impossible to prove a negative.
- fight
- Music is like breathing.
- Why is the sky blue?
- Professor Cole's Words
- Ask WHY.
-
▼
February
(36)
Iraqi Culture
Sites
- Korea Life Blog
- Toothing
- Academic Secret
- African Food Blog
- Genius Duck
- Blogopoly
- Second String Swap
- Work at Home News
- Bashhh
- Just Another Opinion Blog
- Hairstyles and Nails
- Chiefly Musing Home Tips
- Health Talk and You
- Awryt
- Zacquisha
- Hairstyles and Nails
- Health Talk and You
- link
- Saints Car Club
- Moon Rider
- Super Pong
- Jeffrey Scott Band
- Fusion Recipes
- Oregon Lawyers
- Rent Empress
- Jake Gyllenhaal Fan Club
- Hurdler Page
- link
- Johnny Bravo Site
- link
- Survey Land
- Internet Data
- link
- Film Acting
- Golden Girls Quotes
- link
- Soda Traders
- The Chess Haven
- Integrity Library
- A&F Models
- Dancer's Domain
- Myanmar Institute of Technology
- link
- Pilgrim's Products
- Redhead Hair Site
- Olympics Page
0 comments:
Post a Comment